Les véhicules autonomes : une réalité à nos portes

Chronique d’Yves Provencher, directeur de Groupe PIT

Dans l’intervalle compris entre le 15 novembre et le 11 décembre 2015, le territoire américain aura été l’hôte de deux conférences d’envergure sur les camions autonomes. En effet, les villes de Détroit (Autonomous Trucks 2015) et de Dallas (North American Automated Trucking Conference 2015) ont réuni les plus grands spécialistes du domaine, manufacturiers d’équipement d’origine (OEM), universitaires, législateurs et, bien entendu, quelques gestionnaires de flottes, curieux de voir ce qui s’en vient dans notre monde.

Mais où en sommes-nous avec cette nouvelle technologie? Et d’abord, de quoi parle-t-on vraiment lorsqu’on parle de camions autonomes?

La technologie des véhicules autonomes

En 2013, lorsque la conférence PIT de Toronto a fait des camions autonomes son thème principal, plusieurs nous ont demandé quelles substances illicites nous avions consommées. Que de chemin parcouru depuis! En 2015, il ne se passe presque plus un jour sans qu’on ne parle de camion autonome…

Réglons d’abord la question du vocabulaire. Vous entendrez parler de camions « autonomes », camions « automatisés » et de camions « connectés » mais ce n’est pas tout à fait la même chose.

Camion autonome : bien que galvaudée, cette expression devrait être réservée à un camion qui peut rouler absolument sans chauffeur. Toutefois, dans les faits, cette réalité est encore bien loin.

Camion connecté : il s’agit d’un camion qui peut échanger (transmettre et recevoir) des données avec un autre camion (on entend aussi « véhicule à véhicule » ou « V2V »), une infrastructure (« V2I ») ou n’importe quoi (« V2X »). Évidemment, pour être autonome, le camion devra éventuellement être connecté, c’est donc dire que le camion autonome est une forme de camion connecté.

Camion automatisé : on classe dans cette catégorie toutes les technologies qui aident le conducteur (assistance à la conduite). Ainsi, les systèmes de régulateur de vitesse adaptatif, de freinage anticollision ou d’assistance au maintien de la trajectoire (lane keep assist) sont des versions de camions autonomes. Viennent ensuite les systèmes autopilote et, enfin, lorsqu’il sera totalement automatisé, ce camion sera autonome.

Comment faire la différence?

Les experts se sont entendus pour définir 5 classes de camions automatisés, illustrées dans la figure 1 ci-dessous (source : SAE International, 2014; traduction libre).

Figure 1_tableau SAE Intl_FR

Classes de camions automatisés selon SAE International

Au niveau 1, le conducteur profite d’une aide de base à la conduite alors qu’au niveau 5, il n’y a plus de conducteurs. Évidemment, tout n’est pas coupé au couteau. Le camion de marque Freightliner qui a fait les manchettes au printemps dernier se situerait environ au niveau 3.

Que nous réservent les équipementiers?

Les experts s’entendent à dire que les camions de niveau 3 devraient circuler sur nos routes dans moins de 10 ans. Qu’en est-il de ceux de niveau 5? On parle d’un horizon d’au moins 20 ans, mais qui sait à quelle vitesse se développera la technologie et la société.

À voir les efforts qui sont présentement déployés dans ce domaine par les équipementiers, il y a fort à parier qu’ils nous réservent des surprises. Il ne faudrait pas se surprendre que les manufacturiers ne dévoilent pas tout et qu’ils présentent un prototype de camion autonome sans chauffeur plus rapidement qu’ils ne veulent bien nous le laisser entendre.

Cela ne veut toutefois pas dire que les camions sans chauffeur circuleront plus rapidement sur nos routes. Il y a un pas entre le lancement d’un prototype de camion autonome et une flotte circulant sur les routes. La technologie sera sans doute en avance sur la société, les législateurs et les administrations de toute sorte; malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, le plus petit dénominateur commun régit souvent le tout. Les camions peuvent être techniquement viables, mais si la législation n’est pas adaptée, si les assureurs ne sont pas dans le coup, si les techniciens ne peuvent les réparer… tout cela demeurera au niveau de projets pilotes.

On doit s’assurer de mettre tout en œuvre pour que tous les différents intervenants collaborent. En Europe, les grappes industrielles formées de manufacturiers, gouvernements, administrateurs, fournisseurs de capteurs, etc. sont déjà regroupés et travaillent de concert. Et pendant ce temps, de notre côté de l’Atlantique? Le Conseil des ministres responsables du transport et de la sécurité routière se réunissait la semaine dernière pour une journée spéciale consacrée au « Camion du futur » où on a abordé les charges et dimensions, permis spéciaux pour transport de charges non conformes, essieux autovireurs et j’en passe. Il ne reste qu’à espérer un petit changement de vitesse!

On y reviendra surement bientôt…

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